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FICHE SUCCESSION DU PÈRE par Pierre TCHOUTEZO (Forum AEND 14-17/08/2019)

Propos du  14/08/2019

 

Bonjour ou bonsoir à tous

Je vous apporte  cet article que j’ai publié ce jour, qui rentre dans notre cosmogonie.

 

POURQUOI LES FEMMES ET LES PREMIERS FILS SONT EXCLUS DE LA SUCCESSION DE LEUR PÈRE. ?

 

Avant de répondre à cette interrogation, permettez-moi de revenir sur les mécanismes successoraux en droit coutumier bamiléké surtout en ce qui concerne la succession dans une famille.

En droit coutumier bamiléké, surtout dans le département de la Menoua et plus particulièrement à Bafou  et à Baleveng,  dans les deux villages qui forment  l’arrondissement de Nkong-Ni et dont les coutumes sont  presque à similaires, la cession est transcendantale et obéit à une linéarité d’accès. La succession se fait donc de père en fils, de la première génération à la génération actuelle.

Contrairement aux bassa et aux beti, le premier fils est exclu de la succession, ainsi que les éléments féminins. Beaucoup s’interrogent sur le sens et le bien fondé de cet interdit social. Certains croient à une violation grave des droits de l’enfant ou du fils si ce n’est une frustration psychologique qui ne dit pas son nom. Que non. Cet interdit avait tout son mérite et si. Pesant d’or.

 

CAS DES FEMMES

 

Vous savez que chez le bamiléké, la femme est appelée à aller se marier. Elle quitte sa propre famille pour aller s’installer dans une autre famille. La cosmogonie Bamiléké a voulu qu’il n’existe pas de célibataire si bien qu’un tel cas semble être une exception qui ne peut en aucun déroger la règle.

Et la fierté d’une famille se fait lors des mouvements de joie, de malheur et de replis en fonction du nombre de beau qui viennent pour l’assistance une assistance quelconque ou témoigner de leur puissance. Les deuils, les fêtes, les funérailles sont des moments de grande démonstration de puissance ou de compassion si bien qu’il est triste pour un homme, de ne faire que des hommes. Son deuil ne sera pas autant animé que celui qui a plusieurs beau-fils.

Le bamiléké est omnibulé par l’instinct de conservation du patrimoine si bien que les biens propres à une famille doivent toujours rester en famille. Or une femme qui part dans une autre famille ne pas à même d’assurer cet instinct. Si tous les enfant sont cohéritiers, les biens de la famille ne devraient en aucun cas quitter la famille pour une autre famille. Les femmes qui bénéficient des biens comme terrains chez leur père ne devraient en aucun cas les revendre ni les céder  à leurs enfants. Et c’est pourquoi à leur mort, les biens cédés aux femmes reviennent de plein droit au patrimoine commun de l’héritier principal reconnu comme apte à assurer la protection du patrimoine commun et les intérêts de toute la famille. Le patrimoine familial est toujours considéré comme commun lorsqu’il n’a pas fait l’objet de partage et chaque enfant y a droit à l’exception des femmes d’en jouir uniquement.

 

CAS DES PREMIERS FILS.

 

Au départ, ils sont considérés comme étant l’égal et confident de leur père. Ils reçoivent tout du vivant de leur père si bien qu’à l’âge adulte, ils ont une plantation, une maison et une femme, sous l’impulsion du père. Généralement, les premières femmes du fils étaient toujours dotées par le père lui-même pour le compte de son fils. Et lorsque celui-ci envoyait sa première fille en mariage, c’est son père qui prenait la dote en remboursement de la dote versée pour   sa mère.

Le plus souvent et dans la majorité des cas, à la mort du père, le premier fils est un homme accompli ayant tout hérité du vivant de son père. On se demande ce qu’il aura encore à chercher dans la succession de son père surtout que s’il est un homme dynamique, il aurait déjà franchi toutes les étapes nécessaires pour se hisser au panthéon de la hiérarchie des rôles  au point d’être plus gradé que son père dans l’échiquier des rôles au niveau de la chefferie. Fotsakah  Djiometio Édouard, Fotchoung, Foguegah de Mbouh sont des éléments qui se sont distingués à la chefferie Baleveng  socialement au point d’être plus puissants et gradés socialement que leur géniteur.

La société qui a comme critère d’accès à la hiérarchie des rôles ayant bien sûr accordé l’égalité des chances à tous, toute mutation d’un être d’une classe sociale à une autre est désormais une question de réussite, de mérite et d’excellence.

À la mort de son père, on voit que le premier fils n’a plus rien à envier à la succession de son père puisqu’il en a tout reçu et de lui et de la société.

 

J’attends les critiques constructives et les remarques pour l’animation et la construction de ce forum.

Pierre TCHOUTEZO

Écrivain et chercheur en anthropologie socioculturelle bamiléké.

 

 

 

Propos du 16/08/2019

 

SUCCESSION EN PAYS BAMILEKE :
LES EXTENALITES ET LES LIMITES AUX INTERDITS SOCIAUX.
J’ai développé il y a quelques jours dans plusieurs groupes sociaux ou forum où je suis membres, lesquels sont animés par des commentaires, avis, analyses et échanges  intellectuels fructueux, le débat autour de l’exclusion des femmes et des premiers fils de la succession de leur père.
J’ai été flatté par le mutisme qui a caractérisé le groupe Aend et le Forum Baleveng de Binaberi. Mais en revanche la qualité, l’abondance et la fertilité des interventions venant du groupe des Élites Baleveng de Douala m’ont surpris et laissé pantois si bien bien que je me suis décidé, en dépit de mon état de santé très précaire, de poursuivre la rédaction de cet autre article ce jour à titre de complétude aux publications antérieures.  Cette fois-ci, je voudrais traiter avec vous des externalités, des exceptions et incompatibilités à cette règle sociale.
Ces externalités concernent plusieurs cas d’incompatibilités qui enfreignent l’application de la norme juridique. Je vais évoquer ici :
– le cas des hommes qui meurent sans avoir de rejetons masculins,
– le cas des hommes qui n’ont qu’un fils unique frappé d’incompatibilité à la succession de son père,
– Le cas où le défunt meurt sans procréer.
-Le cas d’un homme dont ses enfants garçons ne sont que des délinquants et irresponsables.
Au regard de la multiplicité des cas et pour mieux élucider le sujet et permettre son appréhension simpliste, je vais procéder par une analyse casuistique.
CAS DES HOMMES QUI MEURENT SANS ENFANTS
La jurisprudence traditionnelle fait des enfants de nos frères et sœurs utérins, nos propres fils si bien que lors des cérémonies funéraires, toutes les obligations du fils envers son père ou envers sa mère  sont exigées de droit pour l’oncle, la tante et les grands-parents. D’ailleurs, même si le défunt avait des enfants, la légende voudrait que les enfants de ses frères et de ses sœurs ne soient pas traités différemment que ses propres fils. Et c’est la raison pour laquelle  cette situation créé des droits et des devoirs. L’oncle et la tante ont l’obligation de s’occuper de leurs neveux et nièces comme leur propre fils et, en retour, ils bénéficient du droit à l’assistance par ces derniers, même lorsqu’il laisseront notre Terre nourricière pour acquérir le statut d’ancêtres.  Ainsi, se crée une chaîne de droits et obligations sociales vis-à-vis des tantes, oncles, parents, grand-parents, neveux et nièces, fils et petits-enfants. Le droit à la malédiction ici est admis pour les enfants qui désobéissent à cette norme sociale en  négligeant leurs parents, tantes, oncles et grand-parents. A leur décès, tout ce beau  monde bénéficient des hommages aussi bien de leur descendance directe que de celle de leurs frères et sœurs.
Pour un homme qui décède sans enfant, sa succession revient de plein droit à l’un des fils désigné par le défunt parmi les enfants de ses frères et sœurs utérins de sexe masculin.
CAS D’UN HOMME QUI À UN FILS UNIQUE
Lorsque le défunt n’a qu’un seul enfant, le problème de dérogation au principe ne se pose plus car à défaut de l’eau on boit la mer. D’ailleurs, dans la cosmogonie bamileke, on dit qu’un combattant disposant d’une seule balle dans sa cartouche, ne peut manquer d’aller à la guerre, ne serait- ce que pour utiliser la seule qu’il en dispose.
CAS DES GENS QUI MEURENT SANS ENFANT DE SEXE MASCULIN.
En droit droit coutumier et suivant la jurisprudence, la succession est laissée à un petit fils issu des filles du défunt. Pour qu’il devienne membre de la famille de sa mère et succède à son grand-père, on doit procéder à des rites d’adoption et d’intégration sociale. Ces rites revêtent un caractère symbolique importants car son père géniteur doit recevoir des présents et accepter au préalable le transfert de son fils de sa propre famille vers celle de son beau-père.
DES EXTERNALITÉS LIÉES AU COMPORTEMENT DES ENFANTS.
Il arrive souvent curieusement, en dépit du fait que le défunt ait plusieurs enfants de sexe masculin, que le premier fils émerge du lot et se présente parmi les enfants du défunt comme le plus intelligent et apte à encadrer la famille. À ce niveau, le père peut s’il le veut, faire peser la balance sur lui et le désigner comme héritier principal.
C’est le cas du successeur de Fozaa de Douala, le Dr. Nguenga David, l’actuel délégué régional du ministère de la recherche scientifique à Bafoussam, qui fait la fierté de sa famille en tant que dépositaire des pouvoirs successoraux de son père alors qu’il était à sa désignation, le premier fils à son père dans une famille où fourmillait un nombre important d’éléments masculin. Les critères objectifs dans ce choix, ont primé sur les critères subjectifs.
Des cas pareils existent bel et bien dans notre société quoiqu’étant suffisamment rares.
De même, certains hommes, à leur mort, décident de désigner parmi leurs rejetons comme successeur, un élément féminin. Ce sont toujours des cas rares qui visent à sanctionner le comportement des éléments masculins dont la plupart brille par leur irresponsabilité criarde. Un homme  ne saurait choisir avant sa mort comme successeur, un voleur ou un délinquant prêt à vendre tous ses biens y compris son champ, sa maison et sa tombe.
Merci à mon lectorat, les critiques sont attendues.
Pour un tableau complet de ce travail, je me propose de publier un peu plus tard dans les prochains jours, les interdits et les externalités à la norme sociale  dans le cas de la succession d’un roi.
NOUS AIMONS TOUS NOS US ET COUTUMES. MAIS NOUS NE POUVONS DURABLEMENT AIMER CE QUE NOUS NE CONNAISSONS PAS.
Apprenons à mieux nous connaître par nos échanges.
MERCI À TOUS.
Pierre Tchoutezo
Chercheur
Bamilekelogue.

Propos du 17/08/2019

De P.M. TSATCHOU
 Bonjour.
Je suis très content de ce sujet qui est développé depuis quelques jours.
Il serait indiqué d’envisager la rédaction d’un ouvrage parlant des sujets semblables.
Je fais un clin d’œil à nos jeunes étudiants qui pourraient en faire des sujets de thèses.
Mais je demanderais à Pierre d’éviter de citer des noms, puisque à ma connaissance il y a des situations où nous ne maîtrisons pas toutes les raisons qui ont fait prendre certaines décisions.
J’en connais des cas.
C’est un plaisir de lire toutes les réactions.
Merci.
De P. TCHOUTEZO
Je pense que mon prochain livre : “LES BAMILEKE DE L’OUEST CAMEROUN : HISTOIRE ET ANTHROPOLOGIE SOCIOCULTURELLE” accordera une importance significative à de tels thèmes.
Je suis aussi disponible pour accompagner tous ceux qui veulent travailler sur nos coutumes dans des aspects où j’ai de la maîtrise, à œuvrer pour que nous sortions de l’oralité des faits historiques et sociaux pour de plus en plus d’écriture. Notre salut passera aussi par là car beaucoup de brouillés viennent du fait que aucune norme n’est écrite. Face à un problème, c’est chaque connaisseur qui viendra imposer son dicktat en fonction de ce qu’il y tire.